法语助手
2025-06-02
L'été dernier, j'ai fait découvrir l'Ardèche,
dans le sud de la France,
à mon amie allemande Charlotte.
Les montagnes, les villages et les rivières,
je me souviens très bien de notre 1ère baignade ensemble.
Tandis que je chemine tranquillement dans l'eau,
Charlotte avance péniblement,
grimace, tombe, se relève, tombe encore,
et maudit les pierres qui lui blessent les pieds.
Et moi, je vous rassure, je n'ai pas de super-pouvoirs.
Mais j'ai des sandales en plastique,
et pas n'importe lesquelles,
des picots sur la semelle, des brides tressées, des bouts arrondis,
eh oui, ce sont des méduses, enfin,
des méduses, moi, je les ai toujours appelées comme ça,
mais en France, selon la région, on les appelle aussi
les nouilles, les gluants, les cricri, les squelettes, les mika, et j'en passe.
Méduses, pour leur aspect caoutchouteux et transparent,
c'est le nom qu'on leur donne à Paris,
et c'est aussi celui de la marque déposée dans les années 80.
En France, tout le monde les connaît,
mais ce que les Français ne savent pas,
c'est qu'elles ont fait le tour du monde,
qu'elles sont devenues un symbole de liberté,
et qu'elles ont même un monument dédié en Afrique.
Laissez-moi vous raconter.
Tout commence en 1946 à Sarraix, un village d'Auvergne, chez un coutelier.
Il s'appelle Jean Dauphant et il a flairé un bon filon, le plastique.
Avec, il fabrique notamment des manches de couteau,
en injectant le plastique chauffé dans des moules.
Il fabrique aussi des peignes, alors pourquoi pas des chaussures.
Le 1er modèle est une sandale,
baptisée la Sarraizienne, du nom du village de Sarraix.
Facile à fabriquer et à entretenir,
pas cher mais peu confortable,
elle a un succès plutôt modeste.
On la réserve aux enfants qui râlent parce qu'elle fait mal aux pieds,
et une fois l'été terminé, on la range dans un placard jusqu'à l'été suivant.
L'histoire pourrait en rester là
si une commerçante auvergnate n'avait pas eu l'idée,
dans les années 50, d'exporter la sandale de Jean Dauphant
dans les colonies françaises de l'époque en Afrique subsaharienne.
Dans des pays où l'on souffre autant de la chaleur que de la pluie,
la Sarraizienne séduit, et Jean Dauphan lâche ses couteaux
pour se consacrer entièrement à sa sandale.
Bien sûr, sa réussite attire la concurrence.
Le chausseur tchèque Bata, par exemple,
conçoit une machine qui fabrique la sandale
beaucoup plus vite que la sarrézienne, en quelques secondes.
Avec les années, la machine se répand, et peu à peu
on se met à fabriquer des sandales partout dans le monde,
du Brésil à la Chine.
Elles finissent par être tendance en France,
où elles profitent de l'essor du tourisme balnéaire,
même si les enfants râlent toujours à l'idée de les porter.
Mais c'est en Afrique qu'elles vont connaître une destinée incroyable.
On les retrouve dans la guerre
d'indépendance de l'Érythrée contre l'Éthiopie, qui débute en 1961.
Les soldats érythréens, qui se nomment les soldats de la liberté,
produisent leurs propres sandales et les portent au combat,
faute de pouvoir s'équiper avec de vraies chaussures.
Lorsqu'ils gagnent leur indépendance en 1993,
les Sandales, qui s'appellent Shida en Érythrée,
deviennent le symbole de leur victoire et de leur liberté durement gagnée.
En 2001, ils feront même ériger un monument
à la gloire des Shida à Asmara, la capitale du pays.
Au même moment, en France,
les méduses périclitent, jugées ringardes.
Mais, comme chacun sait, la mode est un éternel recommencement.
Depuis quelques années, elles sont de nouveau in,
et même l'industrie du luxe s'en est emparée.
On les trouve pailletées au pied des Parisiennes,
compensées ou à talons au pied des jeunes branchées,
portées avec des socquettes au Japon.
Signe des temps, elles existent même en version recyclée,
et s'écoulent à environ 500000 exemplaires par an.
Moi, je les porte seulement dans l'eau.
Ne vous méprenez pas, j'adore mes méduses,
mais les mettre dans le métro, ça, jamais.
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